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Auteur Livre Ecriture Manifeste

Manifeste

     Ma relation aux livres est très sensorielle. Je ne cherche pas à les comprendre, juste à les sentir. J’en fais en quelque sorte une lecture poétique plutôt qu’intellectuelle. La lecture d’un livre est un moment de vie avec tout ce qu’il peut apporter de mystère et d’incompréhension. Le livre est un miroir de papier dont les mots sont durs comme du diamant : ils tracent sur la vitre de l’âme des vérités indéchiffrables.

 

     Aux devins qui dissèquent les œuvres et cherchent dans les entrailles de mots les présages d’avenirs, je dis qu’ils ne trouveront rien dans mes écrits. J’écris pour la saveur, pour le goût, je puise dans le présent une inspiration éphémère et volatile. Je cherche par l’écriture à donner une texture aux mots, dont les gens pourront draper leurs rêves et leurs illusions. Car je sais bien au fond de moi que les choses de la vie n’ont de sens que celui qu’on leur donne. Les livres en particulier.

      Certains feront, je n’en doute pas, une lecture primale de mes écrits, comme je l’ai fait avant eux d’innombrables ouvrages. Car la lecture est cathartique. Elle prend aux tripes. Elle nettoie les viscères. J’offre à ces lecteurs un voile de soie noire, tissé de mots, brodé de phrases. Un voile dont ils peuvent se couvrir le visage avant de plonger le regard dans le miroir de l’âme. Car il est plus facile de se regarder dans la glace lorsqu’elle ne reflète pas notre vrai visage. Je salue ces lecteurs masqués. Je les accompagne dans les profondeurs froides du subconscient, ombre parmi les ombres, comme un frère vêtu de noir.

 

     Vous comprendrez que je ne suis pas en quête de gloire ou d’absolu. Je cherche à capter dans la toile des mots des sensations et des émotions immédiates, dans toute leur subjectivité. Je chasse l’inspiration dans la vie de tous les jours, dans mes propres hantises, dans mes rêves et dans mes espoirs. Je ne sais jamais à l’avance quel gibier va sortir des fourrés de mon psyché … Je reconnais volontiers la futilité de cette chasse. Ce qui m’importe, c’est de vivre pleinement l’instant présent, cet instant d’écriture, et de vous donner matière à vivre pleinement l’instant de lecture.

 

     L’histoire de la littérature n’est pas le fait des écrivains mais de leurs innombrables lecteurs. Le sens d’une œuvre n’est jamais figé, il coule comme une rivière tumultueuse à travers les esprits et se forge au fil des lectures un parcours unique et imprévisible, une identité propre. En vérité, le génie littéraire se trouve dans l’œil du lecteur plutôt que dans la plume de l’écrivain, et la mémoire collective contribue plus au salut d’une œuvre que les gesticulations de son auteur.

 

     Aussi, lorsque vous aurez refermé mon livre, Le Dernier Hôtel, oubliez-en les mots. Les mots ne veulent rien dire. Cherchez seulement à prolonger la saveur d’un moment de lecture, à en garder le parfum un instant encore dans les narines du cœur. Ce moment fait partie de vous désormais, et il vous appartient de l’honorer de votre souvenir … et si l’envie vous vient de relire le livre, replongez dedans avec un regard neuf : vous le verrez alors prendre une nouvelle vie.

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